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Terra Incognita

 Terra Incognita (2024)
L'exposition Terra lncognita de Pascal Vinardel au Musée des cultures et du paysage est composée de 67 œuvres : 45 peintures à l'huile et 22 lavis.

La plupart sont des peintures en grand format de paysages nimbées dans des lumières d'aubes et d'aurores, d'or et d'ocre, où quelquefois la nuit proche se devine ou fait son apparition
comme dans le tableau Le retour à Cythère.
Quelques autres sont des intérieurs où se devinent aussi bien par les fenêtres que sur les tableaux suspendus aux murs, les mêmes paysages, la même nature avec ses maisons paisibles et énigmatiques à la fois. Les vers de Charles Baudelaire (1921- 1867) du poème L'invitation au voyage (Les Fleurs du mal, 1857,
«Spleen et Idéal») traduisent cette atmosphère : « Des meubles luisants, / Polis par les ans, / Les riches plafonds, / Les miroirs profonds, / Tout y parlerait / A l'âme en secret / Sa douce langue natale. »

Enfin, les lavis en nuance de blancs et de noirs nous emportent dans des perspectives mystérieuses où l'œil s'étonne de retourner, comme pour les peintures, dans un pays ancien dont notre part immémoriale a préservé un souvenir joyeux et nostalgique.

Chaque tableau, chaque lavis, est ainsi une exploration en forme de révélation d'une terre inconnue, non pas parce qu'elle l'a toujours été, mais parce qu'elle l'est devenue. Ce sont des terres disparues, comme effacées sous la tempête des spéculations financières et immobilières, la violence des bétons armés et l'invasion des revêtements de bitume, sans compter la multiplication des écrans comme interface au monde et l'obsession normalisée des chiffres et des statistiques comme référence ultime à la réalité. Or, les tableaux de Pascal Vinardel relatent un espace-temps, une réalité, un monde où l'humain et la nature se vivaient et se respiraient ensemble .
C'est donc à une exploration poétique à laquelle est convié le visiteur. Parcourir l'exposition, c'est partir à la découverte de lieux à la fois familiers et lointains comme ce retour au pays natal que nous retrace le grand poète allemand Friedrich Holderlin (1770-1843) : « Montagnes vallonnées ! ô vous tous
/ Sommets ensoleillés, vous revoici donc ? / ô lieu silencieux ! dans les rêves tu m'es apparu si loin » (à lire Chants de la terre natale, Édition La Différence/ Orphée, 2014)

À ce titre, laissons la parole à Jaime Semprun (1947-2010) qui écrit en 2010 un texte sur l'œuvre de son ami Pascal Vinardel :
« L'humanité n'a pas vieilli. Elle peut à chaque instant retrouver, intacts, ses pouvoirs d'embellissement. C'est le monde qu'elle s'est fabriqué qui vieillit de plus en plus vite, drainé par ses nouveautés incessantes, se fissurant à chaque instant, se regardant tomber en miettes. Peindre le monde d'avant son vieillissement par l'industrie, c'est le rajeunir, le ramener vers un passé qui était encore plein d'un avenir à partir duquel on peut imaginer ce qui aurait pu être, ce qui encore pourrait être ... » (extrait du livre Andromaque, je pense à vous !, Édition de l'encyclopédie des Nuisances, 2011) .

Comprendre l'exposition boussole d'exposition

Textes d'accompagnement des tableaux ou razos
De nombreux tableaux de Pascal Vinardel sont accompagnés d'un petit texte du peintre écrit par lui qui porte le nom générique de razo. Le mot razo (du latin « ratio ») trouve son origine à la fin du Moyen-Âge, c'est un terme employé par les troubadours pour désigner tout à la fois la raison, le sens, le motif d'un poème. Avant chaque interprétation, le troubadour prenait le temps d'expliciter oralement les causes qui ont conduit à écrire son poème. Plus tard, les razos (mot féminin) étaient placées en tête des Chansonniers (en occitan « Cançoner ») qui étaient des recueils manuscrits de chants profanes avec textes et musiques.
Dans le cadre de l'œuvre de Pascal Vinardel, le terme razo n'est pas un texte de présentation mais c'est un écrit du peintre qui précède sa peinture. En effet, Pascal Vinardel commence d'abord par écrire un texte comme une graine par laquelle va germer puis se développer sa peinture. Le temps de maturation peut être plus ou moins long, parfois la peinture nait des années plus tard.
L'art du lavis
Le lavis est un procédé mêlant dessin et peinture, qui consiste dans l'emploi d'un pigment dilué à l'eau (comme de l'encre de Chine) et appliqué au pinceau, directement sur le papier. La peinture du lavis est très diluée, elle sèche plus vite ce qui permet d'appliquer rapidement la prochaine couche, mais il est également possible de peindre sur un lavis qui n'est pas sec.
L'œuvre ainsi obtenue est généralement monochrome, mais peut être dégradée d'une ou plusieurs couleurs: encre de Chine, bistre, sépia ... Le lavis permet de jouer sur les ombres et les lumières. Son origine vient d'Extrême-Orient, depuis le x• siècle environ ; les artistes occidentaux, eux, vont commencer à s'emparer de cette technique à partir de la Renaissance (Vénitiens du XI\/" siècle., Poussin, Le Lorrain, Rembrandt...).

Éléments de perspective d' Alberti
« Mon 'art de peindre', s'il y en a un, ne fait qu'obéir aux lois albertiennes du tableau considéré comme un plan du cône visuel. Avec ses protocoles métriques, ses règles chromatiques et optiques, et surtout ce qu'Alberti appelle la 'storia' qui est discours, mais discours dans l'espace, soit l'enchaînement rigoureux de la plus petite à la plus grande forme, la plus grande forme étant constituée par le tableau lui-même, il s'agit d'organiser une scène visuelle narrative avec toutes ses illusions. » Pascal Vinardel dans Note sur ma peinture.
En 1435 , Leon Battista Alberti (1404 Gênes-1472 Rome), l'un des grands humanistes de la Renaissance, écrit De Pictura (De la Peinture), un ouvrage fondateur de la représentation picturale moderne qui va révolutionner la peinture occidentale.
C'est dans ce traité qu'apparaît la première formulation claire du principe de la perspective centrale. Il introduit tout d'abord la notion de pyramide visuelle dont l'œil du peintre serait le sommet: « La peinture sera donc une section de la pyramide visuelle à une distance donnée, le centre étant posé », le centre désignant l'œil du peintre.

« Je trace d'abord sur la surface à peindre un rectangle de la grandeur que je veux, qui sera pour moi une fenêtre ouverte à partir de quoi on peut contempler l'histoire ». Le tableau doit aussi raconter une « histoire qui constitue le dernier degré d'achèvement de l'œuvre du peintre». La peinture est semblable à un poème : « L'histoire touchera les âmes des spectateurs ... »

 

Publié le 29/01/2024


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