« Nous pensons que la gaîté et l’humour constituent un climat intellectuel plus tonique que l’emphase larmoyante. Nous avons l’intention de rire et de plaisanter et nous estimons que nous en avons le droit. » Ethnologue, militante anticolonialiste, Germaine Tillion connaissait mieux que personne les vertus du rire pour survivre. Résistance déportée à Ravensbrück entre 1943 et 1945, elle y composa une opérette vraiment pas comme les autres. Dans cette pièce, un groupe de Françaises prisonnières raconte, sous la forme d’une revue grinçante, le quotidien de leur condition de déportées, autour d'un thème : la leçon d’histoire naturelle sur l’espèce Verfügbar (traduction française : disponible, corvéable à merci). Ce pari pour le moins insensé, Germaine Tillion le relèvera avec brio, en dépit, ou plutôt grâce au décalage assumé entre un sujet pesant et un traitement léger. Car qui dit opérette dit comédie musicale, au sens propre du terme. De la chanson populaire à l’opéra, en passant par des chansons scoutes, l’opérette ou des standards de la chanson réaliste d’Edith Piaf ou de Tino Rossi, le répertoire musical est d'autant plus éclectique que Germaine Tillion a réécrit les paroles des airs les plus connus. Au Gyptis, il sera joué par sept comédiennes-chanteuses et deux musiciens dans une mise en scène signée Danielle Stéfan. Pétrie d'ironie et d'impertinence, elle distancie la barbarie... sans jamais en sous-estimer la puissance dévastatrice.