Parions que vous ne verrez pas passer les 1h30 de Nobody car aussi bien le sujet que sa mise en forme tiennent en haleine du début jusqu’à la fin. Nobody, c’est Jean Personne, Paul et les autres mais c’est aussi vous, nous, eux, tous ceux qui un jour ou l’autre seront pris dans la broyeuse de l’entreprise qui leur vole leur vie. Etonnant d’efficacité, le dispositif technique, marque de fabrique de Cyril Teste, montre le film en temps réel de la pièce que nous sommes en train de voir. Tout, absolument tout se fait en direct. Cinéma, théâtre ? Cyril Teste a choisi de ne pas choisir et joue magistralement sur les deux tableaux. Derrière la vitre des bureaux, nous observons en voyeur les dégâts humains de cette arme de destruction passive qu’est la délation au sein de l’entreprise, ou pour employer un mot à la mode, le « benchmarking », c’est à dire l’évaluation des salariés à leur insu. L’agence de consulting Outsource a une devise : « intelligence, charme et assurance », mais se conformer à ces principes dans le monde merveilleux de l’open space équivaut à mettre sa vie en danger. Falk Richter, auteur du texte, analyse avec pertinence et humour la perversité et la violence des rapports entre la vie personnelle des salariés, tous guettés par le burn-out, et la vie au travail rythmée par des méthodes managériales musclées qui décervellent ceux qui y sont soumis. Deux questions essentielles traversent toute la pièce, comment virer les gens dont on n’a plus besoin parce qu’ils ne sont plus performants et c’est quoi la vie privée ? Dans ce spectacle tout est réussi y compris l’implication des jeunes comédiens du Collectif MxM.