Sortir : Après toutes ces années, quel regard portez-vous sur votre parcours, la notoriété ?
Paul Personne :
Que certains parlent de moi comme d'une figure du blues en France, ça me fait drôle d'entendre ça... Pas que je renie cette image, c'est juste que je n'ai jamais voulu être le porte-étendard de qui que ce soit, ni porte-parole d'un certain mouvement musical : des artistes qui font du blues, y'en a plein et beaucoup le font très bien. C'est plutôt le résultat d'un certain engouement médiatique d'une part, mais surtout d'une rencontre avec le public.

Sortir : D'autant que vos débuts n'ont pas été faciles...
P. Personne :
En même temps, c'était mon choix : faire uniquement ce qui me plaît. J'avais des idéaux, des chefs de file musicaux, bercé dans les années 60 par Bob Dylan ou Jimmy Hendrix... J'ai commencé par me lancer naturellement avec différents groupes, puis à me produire sous le nom de Paul Personne, avant un premier album, en 1981. Tout doucement, c'est parti tout seul, les salles se sont remplies d'années en années. J'ai également profité à un moment donné de rencontres et d'invitations, donc d'un certain coup de projecteur médiatique : Jacques Higelin, Johnny Hallyday, Véronique Sanson, Manu Dibango, ils m'ont permis de me faire découvrir à un autre public.

Sortir : Certains voient en vous l'antithèse d'un certain star-système actuel...
P. Personne :
J'ai pu passer ma vie à rêver quelque chose, mais pour moi, le rêve est devenu réalité, sans que j'essaye de faire quelconques compromissions. Aujourd'hui, on demande à des gosses d'être star et non de faire de la musique, c'est n'importe quoi. Et puis y'a beaucoup de trucs factices, superficiels aujourd'hui, genre enfant gâté : à mon époque, lorsqu'on commandait un album, on l'attendait, on prenait le temps de l'écouter, de le découvrir. Là, on achète un ou deux titres sur un album via internet, on prend ce qu'on veut et on jète le reste à la poubelle : on ne prend plus le temps d'écouter de la musique dans de bonnes conditions.

Sortir : Un côté "à l'ancienne" que l'on retrouve dans ce nouvel album, entouré du groupe À l'Ouest notamment.
P. Personne :
Ouais c'est des copains. Ils sont plus jeunes, mais y'a une vraie complicité, on aime la même musique, on a passé des nuits endiablées à enchaîner les covers... D'ailleurs, lorsque je me suis lancé dans le projet, beaucoup se demandaient pourquoi ne pas aller à LA ou Nashville jouer avec les musiciens du cru, mais c'est quelque chose que j'avais déjà exploré. Et puis j'avais envie de rester dans ma région : du coup, je leur ai proposé de m'accompagner et au niveau artistique, ça a tout de suite fonctionné, ils ont apporté un vent de fraîcheur. Et puis on a bossé dans un studio à 4 km de chez moi, dans un format très artisanal, limite amateur, genre pieds nikelés, j'aime bien ça.

Sortir : Comment est venue cette idée de dyptique Faces A et B ?
P. Personne :
Au départ l'an passé, j'avais 80 morceaux qui partaient un peu dans tous les sens : j'ai  commencé par élaguer, à en tester quelques-uns, puis à coller les textes pour ceux qui sonnaient bien, et au final je me suis retrouvé avec une bonne vingtaine de titres. Derrière, on discutait de tout ça avec les gens du label et on en est venu à parler de l'époque du vinyle avec nostalgie... D'où une idée qui depuis a fait son chemin : au lieu de virer des chansons, couper l'album en deux et donc le sortir en deux temps. J'ai trouvé le truc sympa, d'autant plus que ça me permettait de m'exprimer sur une plage plus large, notamment au niveau instrus.

Sortir : Beaucoup parlent d'un album "vrai", "sincère"...
P. Personne :
Je suis content quand on dit ça, ça veut dire que les gens ont ressenti la démarche. J'ai toujours essayé de jouer franc jeu avec eux, après chacun réagit comme il en a envie. C'est pareil pour les chansons : je ne m'oblige pas à composer en me levant le matin. Quand il y a un fil musical, une histoire à raconter, j'y travaille et ça finit par faire un disque... Sinon, je peux rester deux ans à végéter, jouer avec des potes, à faire l'hermite. Je n'ai jamais voulu qu'une maison de disques m'emmerde,  je fais juste ce que j'ai envie, c'est un truc que je me suis imposé. Au final, y'a des gens qui me suivent et ça, c'est vraiment super.

Sortir : Et après toutes ces années, comment vivez-vous les concerts ?
P. Personne :
Ça se passe toujours vachement bien : je ne suis pas blasé, ni aigri... et puis si je n'y trouvais pas un plaisir, un échange vraiment intéressant, je resterais chez moi. Dès le départ, le fait de monter une équipe pour partir sur la route, puis se retrouver sur scène à partager deux heures avec des gens qui ont fait des kilomètres pour te voir, c'est vachement chouette. En voyant les sourires dans le public, les yeux qui brillent, j'ai l'impression d'avoir servi à quelque chose.