Unknown.jpegComment avez-vous sélectionné les titres dignes de figurer dans cette anthologie ?
J'ai suivi mon instinct ! On m'a proposé cela il y a un an, c'est un peu un rêve ! On peut faire des compilations pour ses amis, là, il s'agit de couvrir 60 ans de musique, tous les genres, excepté le classique. J'ai procédé comme pour le journal : l'intuition l'emporte finalement, rien de scientifique ! Je reçois 300 disques par semaine, je n'en chronique qu'un ou deux, l'angoisse de ne pas parler de tout reste en même temps une liberté. La condition inhérente à ce coffret : pas un titre qui n'ait été choisi par nous ! Nous refusons les histoires de catalogue ou d'arrangement. Pour arriver à ces 200 titres, nous en avons proposé 450. Les problèmes de droits ont fait le reste, nous n'avons pas les Beatles, et donc pas voulu non plus mettre les Stones, Gainsbourg, ou Mickaël Jackson... Mais ça reste très grand public, pas non plus à la pointe de la branchitude. J'ai souhaité panacher, entre des morceaux très connus, et des niches, l'envie de faire découvrir. On a ainsi un morceau de Britney Spears, ou d'Elton John qui a fait des disques exceptionnels au début des années 70. Dans l'esprit de Télérama, ce que j'aime, c'est cet exercice hebdomadaire de s'adresser au plus grand nombre sans exaspérer les spécialistes, pas de vulgarisation à outrance, sans non plus être incompréhensible. Comme un programme radio éclectique et varié, toutes périodes et genres confondus, qui ouvre des portes, surprend. Nous avons réalisé notre programmation idéale, beaucoup moins simpliste que les bons/les mauvais, mais des identités fortes, des voix, des styles, et non un mix où tout se ressemble, musique de fonds pour aéroport !

Quels changements avez vous remarqué dans l'industrie musicale ces dernières années ? Une plus forte mondialisation ? L'influence du téléchargement et d'Internet ?
Les niches se sont démultipliées. Quand un artiste arrive avec un style, dans la foulée, 300 font la même chose, et de façon compétente. Avec Internet, on parle de crise, alors qu'il n'y a jamais eu autant de création ! Le problème : plus personne n'est unique, inimitable. Mais la production n'a jamais été aussi diversifiée. Le changement réside aussi dans le fait que ce soit beaucoup plus poreux entre les générations. Auparavant, ce qui sortait se devait d'être contre tout ce qui avait précédé, ainsi naquirent le rock, le punk... Les ados, aujourd'hui, éprouvent tout à coup un respect presque exagéré pour les valeurs sûres, Brel et Brassens, les Stones, le Velvet, les Doors, voire même Miles Davis. Toutes les générations confondues possèdent à peu près les mêmes références pour juger ce qui sort. Et tous les artistes cartonnant actuellement citent ces références, se donnant une légitimité en se raccrochant au passé. On peut avoir une impression de groupes-clones, mais c'est plutôt une génération faussement spontanée, s'inscrivant dans une mouvance, une école. Mais pourquoi refaire l'existant ? Quelqu'un qui repeint du Klein, ou réécrit Proust, on dit que c'est nul, pourquoi n'est-ce pas la même chose en musique ?

Et que dire des télé-crochets...
Quelque chose a basculé lorsque la musique est devenue une carrière, et non plus quelque chose d'aventureux. Aux États-Unis existent des écoles pour apprendre à jouer de la batterie hard rock, comme n'importe quelle filière professionnelle ! Le statut d'artiste devrait rapporter, alors que c'est bien de soutenir la création, mais aucun devoir non plus ! La musique devient une industrie florissante à la fin des années 60, ce qui surprend tout le monde. Pendant des années, des siècles, les artistes étaient les baladins, les ménestrels, puis des gens ont fait fortune. Peut-être va-t-on revenir en arrière ?

Quel est votre dernier coup de coeur ?
Je suis encore surpris, ému, étonné par des voix, et heureusement ! On n'est pas blasé, le frisson demeure. Comme lorsque l'on découvre Agnes Obel, ou Bertrand Belin.