Sortir Bordeaux Gironde : Plutôt inattendu ce rapprochement.
Frédéric Bouchet (directeur du Théâtre des Salinières et du futur Trianon)
: L'opportunité s'est présentée totalement par hasard. À la fermeture du Jean Vigo, je pensais même que derrière l'écran, il y avait un mur et que tout l'arrière avait été vendu pour aménager des appartements donnant sur la cour. J'ai quand même appelé Jean-Pierre Gil, un très bon ami (également propriétaire du Fémina et de la Molière-Scène d'Aquitaine), le lendemain on a déjeuné ensemble et derrière, ça s'est fait rapidement : c'est le dernier théâtre restant sur Bordeaux, l'un des plus anciens avec le Grand-Théâtre et le Fémina, impossible de laisser passer l'occasion ou de le laisser détruire pour les besoins d'un autre projet... en plus, il a de la gueule, en plein centre-ville : j'ai pas réfléchi ! Et depuis le début des Salinières, j'ai toujours eu envie de faire autre chose. Après, une fois le lieu acquis, la question était de se dire : qu'est-ce que j'en fais ?

Sortir : Et donc, quel est le projet ?
F. Bouchet :
Faire quelque chose de différent des Salinières (branchées comédie de boulevard). Ici, on va faire du one-man-show, un ou deux par mois, auxquels on intégrera du jazz ou de la variété française, sur un rythme de deux spectacles par semaine. L'idée, c'est de piocher au sein des nombreux réservoirs nationaux (Juste pour rire, Rires et chansons, Jamel Comedy Club...) pour accueillir chez nous des têtes d'affiche "moyennes", capables de faire les 750 places en trois jours (pour une jauge de 250 donc au Trianon), avant, plus tard, pourquoi pas, de remplir le Fémina ou la Patinoire : pour le premier trimestre, on aura Denis Maréchal en ouverture, puis de supers humoristes comme Gilles Détroit, Albert Meslay ou Bernard Azimuth, avant au printemps Jérôme Commandeur (de l'équipe de Dany Boon) ou Chraz, révélé chez Ruquier. Programme complété par quelques gros cartons du Festival Off d'Avignon (Les Pestes, Du rififi à la morgue) et même des artistes locaux comme le Barber Shop Quartet. Enfin niveau jazz, on recevra Bernard Lubat, qui voulait absolument venir au Trianon. Ça me semble être une bonne base.

Sortir : Il y a un public pour ça à Bordeaux ?
F. Bouchet :
Tous les publics sont difficiles mais le public bordelais me semble plus difficile qu'ailleurs, parce qu'il a moins l'habitude de sortir, héritage de la Belle Endormie de la fin de l'époque Chaban. Ce qui est sûr, c'est qu'il manquait un lieu comme ça à Bordeaux, davantage divertissement, qui devrait toucher un public plus jeune que les théâtres "traditionnels". Et puis mon sentiment, c'est que les gens ont envie de rire, de se retrouver dans une salle pour partager des émotions ensemble.

Sortir : Plutôt optimiste alors...
F. Bouchet :
Moi, je suis convaincu que ça va marcher, reste à savoir combien de temps ça va prendre... la seule concurrence notable, c'est le Pin Galant, avec une différence de prix et de plateau, vu les têtes d'affiche. Mais nous aussi, à terme, on veut accueillir des têtes d'affiche, au Trianon et aux Salinières (bénéficiant d'une jauge supérieure) : pour ça, on est sur le point d'intégrer l'ASPT, Association de Soutien aux Théâtres Privés, qui réunit quelques-uns des plus gros théâtres parisiens ainsi que le Théâtre de la Tête d'Or à Lyon. Ce qui veut dire des échanges professionnels, des liens privilégiés avec certains spectacles, des coopérations avec les compagnies. Et s'il faut conclure, j'aurais envie de dire, comme souvent : c'est pas le second théâtre, seulement le deuxième... car pour réussir, il faut aussi être un peu fou.