Sortir : Ce film, ce n’est pas un peu une manière de retrouver vos origines algériennes ?
Safinez Bousbia :
Non, je ne pense pas. En fait, je n’ai pas vécu dans un pays assez longtemps pour pouvoir m’identifier à telle ou telle culture. Revenir en Algérie fut pour moi une belle découverte, mais le but était vraiment de faire ce film, avec les musiciens. D’ailleurs, on m’y voit très peu… Je trouvais que mon histoire était petite par rapport à la leur, c’est pour ça que je me suis mise à l’écart : il s’agissait d’eux, et non de moi.

Sortir : Être une femme dans un univers d’hommes, ce n’est pas trop compliqué ?
S. Bousbia :
Au début, certains m’ont bien reçu, mais d’autres m’ont rejeté. C’était compliqué, je ne pouvais pas me déplacer partout… Mais à partir du moment où j’ai gagné leur confiance, ce fût un vrai avantage pour moi d’être une femme : ils montraient plus facilement leur sensibilité, leurs faiblesses aussi, alors qu’entre eux ils ont tendance à être plus machos. Au fil du temps je suis devenu comme leur petite fille, ils m’engueulaient, me disaient : « ça tu fais, ça tu fais pas ! ». On a tissé des liens très forts.

Sortir : L’aventure a débuté il y a 8 ans. Quelle ténacité…
S. Bousbia :
En fait, ça m’est venue naturellement. Durant ces 8 années, quand je rencontrais des amis que je n’avais pas vus depuis longtemps, certains s’étaient mariés, d’autres avaient eu des enfants… Et quand ils me demandaient ce que je devenais et que je répondais : « toujours El gusto », ils me disaient : « quoi, encore ? ». Ce projet m’a certes demandé un énorme travail mais les musiciens, quand on voit ce qu’ils ont vécu, c’est hard, et ils ne sont pas aigris pour autant, ils ont toujours la volonté… Alors mes difficultés, c’était rien à côté.  Et puis ils comptaient sur moi, je ne pouvais pas les laisser tomber. En fait c’était notre rêve à tous, ils m’ont fait découvrir des choses extraordinaires ! Et de les voir enfin tous réunis, c’est vraiment impressionnant !