Le Pouvoir du Chien, c'est une histoire qui se passe dans les années 20, après une Guerre mondiale lointaine pour ce coin perdu de l'Ouest américain. L'essentiel de l'intrigue se déroule au ranch des Burbank, tenu par deux frères, les cow-boys les plus riches du coin. Phil est un homme, un vrai, qui ne porte pas de gants pour s'occuper du bétail ou manipuler des cordes. Il a les mains rugueuses, ne prend pas de bains et préfère, une fois par mois et en toute discrétion, faire trempette dans la rivière. Intelligent et cynique, il aime mettre en avant les faiblesses des autres pour mieux les humilier. Mauvais, il déteste les Indiens, les Suédois, les Juifs mais plus encore les « chochottes ».

Son frère, George, est plus renfermé. Il a raté ses études, lit peu et ne voit pas le mal à prendre un bain une fois par semaine. En fait, il voit rarement le mal chez l'autre. Il en viendra d'ailleurs à épouser Rose, la veuve du médecin. Elle est la mère de Peter, un jeune homme très intelligent, mais réservé et, surtout, « chochotte » notoire : il compose des bouquets de fleurs en papier. Quand Rose s'installe au ranch où vivent Phil et George, elle se retrouve aux mains de la cruauté de Phil, sous les yeux aveugles de George. Son fils, lui, ne sera pas dupe...

Sorti en 67, réédité au début des années 2000 sans jamais connaître un grand succès, Le Pouvoir du Chien reparait aujourd'hui dans cette jolie collection consacrée aux romans injustement oubliés qu'est Belfond Vintage. Ici, il est question de la dégradation, lente et inexorable, des rapports entre deux frères, de la profondeur des paysages qui exerce un vrai pouvoir sur ces pionniers, mais aussi de la question de l'homosexualité dans un milieu qui n'en finit plus de valorise « l'hypervirilité ». Ce n'est d'ailleurs pas pour rien si la postface est rédigée par Annie Proulx, l'auteur de Brokeback Moutain, la nouvelle qui a inspiré le film (presque) éponyme, offrant ainsi au lecteur un nouvel éclairage de ce western littéraire. Quant au titre, peut-être obscur au premier abord, il résume parfaitement les traits des deux frères, ces personnages centraux...