En écoutant plusieurs de vos chansons Nous Génération, Quand la nuit devient blanche, Les anciens, on a le sentiment que pour la première fois Tryo a pris un peu de bouteille et d'âge...

C'est vrai. On a dépassé ou on approche tous la quarantaine. Il y a des papa parmi. Guiz, par exemple, a écrit « Nous génération » en pensant à son fils de 12 ans. Il a adoré d'ailleurs. On arrive à un âge entre nos parents et nos enfants. Il y a des choses qu'on ne peut plus faire, d'autres qu'on ne veut plus faire. Après une fête, il nous faut trois jours pour récupérer physiquement et moralement. C'est dur ! Pour Les Anciens, c'est pareil. Nos tournées nous ont tenus éloigné de nos familles. Et notre société met de côté les vieilles personnes alors qu'ailleurs, comme en Afrique, non. C'est pour ça qu'on a mis des sonorités africaines et des paroles en bambara, une langue du Mali.

Alors oui, on vieillit, mais on essaie de faire mieux. On essaie de grandir comme parents et comme amis. Entre nous parce que c'est comme ça que tout à commencé. Et puis vis-à-vis du public parce que c'est ça qui importe. Quelle meilleure publicité pour une tournée que la tournée précédente ? On prépare la mise en scène de notre spectacle mais je ne peux pas donner de détails pour le moment.

 

Une pointe d'âge et un peu d'amertume dans certaines chansons ?

C'est peut-être celle qu'on éprouve quand après avoir longtemps espéré que le monde change, on se rend compte en fait que ce qu'on cherche c'est juste une place tranquille pour être en paix. On est toujours révolté mais on mène la révolution dans notre coin. On a passé le flambeau. Je reste idéaliste et j'aimerai vivre dans un monde moins cruel mais je sais que ça ne dépend pas de moi. Dans Un jugement sans appel, Christophe Mali évoque l'amertume de quelqu'un qui assume avoir baissé les bras. Ça ne parle pas de nous directement, mais de tout le monde. C'est une sorte de photo jauni pas le temps qui passe et qu'on regarde amèrement.

 

Brian Williamson, Marine est là, Joe le Trader, Pourquoi ces textes engagés ?

Christophe a écrit ce texte bien avant la présidentielle. Il avait senti que Marine Le Pen était plus dangereuse que son père car elle veut vraiment le pouvoir. Notre chanson n'est pas une diabolisation, c'est un décryptage du cosmétique qui maquille le Front National aujourd'hui. Mais le morceau reste léger et presque amusé. On est pas démago ou diffamant. On dit juste « attention ». Brian Williamson est aussi une chanson informative. Des chanteurs reggae ou dancehall se réclamant de Bob Marley ont des textes violemment homophobes où ils appellent au meurtre. C'est incroyable qu'ils passent en France. Nous ne sommes pas des gourous ou des meneurs d'opinion. Notre démarche est moins frontale et manichéenne qu'elle ne l'a été mais on est toujours un vecteur d'idées et d'émotions. L'idée dans la teuf, c'est notre crédo.

 

On taxe souvent Tryo d'angélisme, qu'en pensez-vous ?

Je pense qu'on peut faire ce que nous faisons sans être naïf. Il y a une citation d'un film d'Audiard, sans doute dite par Gabin, qui me vient à l'esprit : « J'ai pardonné à ceux qui m'ont offensé mais j'ai gardé la liste ». Parfois, on veut écrire des chansons violentes mais en fait, on n'a pas envie de véhiculer ces valeurs. Et puis, le vrai pouvoir, c'est le contrôle de soi. Ça, c'est grand. On préfère être moqueurs. Quand j'ai vu à la télé, un trader anglais se réjouir de la crise. Ça m'a révolté. J'en ai écris une chanson, Joe le Trader, caricaturale et cartoonesque. Les autres l'ont relue et ont rajouté des paroles. C'est notre première chanson écrite à trois. On est de plus en plus critiques vis-à-vis de nos textes. On ne rentre pas dans les polémiques. Nous sommes des amuseurs avec des idées humanistes et écolo. Ceci dit, on n'est pas non plus des hippys vivant dans des huttes avec des bougies. On y va chacun à notre rythme. On sait très bien qu'on ne peut pas être 100% écolo. C'est de ça qu'on parle dans Greenwashing.