Sortir : Marilou Berry, c'est votre premier film en tant que réalisatrice, parlez-nous de votre désir de passer derrière la caméra...

Marilou Berry : C'est le producteur Romain Rochman qui m'a proposé de faire une suite, on avait déjà parlé d'une réalisation ensemble sur le tournage du premier Joséphine. Quand la question de la suite s'est posée, on a tout de suite pensé que ce serait l'idéal pour ma première expérience. J'avais cela en tête depuis un moment, cela devenait même assez urgent. Pour moi c'est très lié à mon métier d'actrice, ce plaisir que je peux avoir à définir l'environnement dans lequel évoluent les personnages. C'est quelque chose qui est lié au jeu.

 

Sortir : Joséphine est l'adaptation d'une BD, et le film a un côté très cartoon...

M. Berry : Oui, car c'est une comédie. Et la comédie telle qu'elle est dans Joséphine c'est l'extrême mouvement, comme dans un cartoon.

 

Sortir : Est-ce que c'est un film féministe ?

M.Berry : Plus qu'un film féministe, c'est un film contemporain. Je ne revendique pas spécialement des choses, je fais davantage un état des lieux de la relation homme-femme et du couple tel qu'il est aujourd’hui. Comment on revendique des choses qui finalement ne sont pas simples à appliquer concrètement. Dire « je ne veux pas faire ça », c'est souvent la meilleure manière de le faire.

Sarah Suco : Pour moi c'est un film féministe ! Les rôles de ce film sont de vrais rôles féminins. Ce ne sont pas des potiches qui ne servent à rien, comme c'est souvent le cas dans les comédies françaises. Ce sont des femmes fortes et je pense que l'égalité des sexes passe aussi par le fait de traiter les pendants féminins des problèmes masculins. Ce film raconte la cohabitation entre les hommes et les femmes, et pas le fait d'être contre l'autre sexe.

M. Berry : Le sens que Sarah donne au mot féministe n'est pas celui auquel je pense. Pour moi dans féministe il y a un côté très chienne de garde, « vive les poils sous les bras ». J'aime l'image de la femme telle qu'on l'a construite aujourd’hui.

 

Sortir : Ce serait donc plutôt un film féminin ?

M. Berry : C'est un film qui fait la part belle aux femmes, mais pas exclusivement féminin, car il parle des relations entre hommes et femmes.

Vanessa Guide : C'est surtout un film générationnel.

S. Suco : Il me semble que si un homme avait réalisé cette comédie, on aurait dit : c'est un film masculin (rires). Là on le précise parce que c'est une femme qui réalise.

Mehdi Nebbou : Le personnage de Sophie, joué par Sarah, se conduit comme un mec : elle veut être libre et ne pas s'engager. Et on ne trouve rien à y redire quand c'est un mec qui fait ça.

S. Suco : C'est un comportement libéré, que l'on qualifie de masculin, ce qui est un peu paradoxal.

M. Berry : La place que peut avoir Gilles dans le couple dit quelque chose sur la place des sexes aujourd'hui. Joséphine lui demande d'être très présent, très à l'écoute, mais en même temps très viril... et c'est compliqué. Le personnage de Gilles est un personnage qui s'oublie, qui n'est que dans le désir de faire plaisir. C'est au travers de cette grossesse qu'il va réussir à s'affirmer. Je pense qu'aujourd'hui dans le couple il faut savoir être égoïste, penser à soi.

 

Sortir : Il y a beaucoup de films réalisés par des trentenaires qui abordent cette question de la place des hommes et des femmes, et où l'on voit qu'aujourd'hui on demande aux hommes d'être tout à la fois.

M. Nebbou : Je pense qu'on a pas mal de culpabilité par rapport aux siècles d'oppression de la femme, et on a de bonnes raisons d'être attentionnés, mais il ne faut pas que cela soit à nos dépends. Mais c'est pareil pour les femmes. Accepter sa féminité ne veut pas dire être faible. Il y a une sorte d'amalgame qui s'est créé dans le rapport de couple. Le film a beau être une comédie, il traite d'un vrai sujet contemporain.

S. Suco : Aux femmes aussi on demande d'être à la fois des mères, des amantes, des travailleuses. Ce que Marilou montre aussi, ce sont des hommes d'aujourd'hui. Le personnage incarné par Mehdi Saddoun supporte Sophie pendant des mois alors qu'elle est insupportable. C'est touchant.

M Nebbou : Ils sont touchants mais aussi démunis. Les générations passées, c'étaient des hommes qui ne rentraient pas en salle d'accouchement, qui ne s'investissaient pas dans la grossesse. Aujourd'hui les hommes font même du yoga prénatal ! Mais on est quand même démunis, on est plein de bonne volonté mais c'est encore nouveau...