SORTIR : Avez-vous déjà monté du Horváth ?

Christophe Rauck : Non, c’est la première fois mais j’adore cette pièce que j’aurais voulu monter en 2007 à la Comédie Française. A l’époque, je n’avais monté que des auteurs contemporains et je n’avais pas encore touché au répertoire. Mais contre toute attente, Muriel Mayette m’a proposé le Mariage de Figaro de Beaumarchais. Figaro divorce fût pour moi une des entrée pour aborder Beaumarchais. J’avais donc cette pièce dans les poches depuis un moment.

SORTIR : Qu’est-ce qui vous intéresse chez cet auteur ?

Christophe Rauck : Très allemand et très « Mitteleuropa » Horváth, auteur engagé, est difficile à monter en France. Il s’inspire d’un théâtre de mœurs populaire qui existe peu chez nous. Il regarde avec un esprit naturaliste les petites gens et leur humanité à travers de toutes petites choses. Il analyse très bien la manière dont les grandes catastrophes font s’effondrer les valeurs de l’individu. C’est un auteur singulier et narratif qui n’est pas loin de Brecht même si son intensité dramatique est moins forte.

Précurseur du théâtre contemporain, Horváth qui a vécu dans les années 30 la montée du fascisme et du populisme, a beaucoup influencé le cinéma de Fassbinder.

SORTIR : Comment avez-vous abordé la mise en scène de Figaro divorce ?

Christophe Rauck : Il ne faut pas être trop narratif ni faire trop de « mise en scène ». Il y a un équilibre pas facile à trouver. On n’est pas dans le registre épique. Dans Figaro divorce, les rôles ne sont pas toujours en action dans la longueur, les scènes sont courtes et ne comportent pas de grands dialogues.

SORTIR : Que dit le Figaro d’Horváth, dont la première eut lieu à Prague en 1937, au public du XXIe siècle ?

Christophe Rauck :

Premier personnage contemporain du théâtre français, l’impertinent Figaro est chez Beaumarchais un valet différent de Scapin car il a une pensée sur son avenir et sa condition sociale. Trempé dans le bain des années 30, le Figaro d’Horváth est un petit bourgeois exilé en Bavière qui ouvre avec Suzanne un salon de coiffure. Horváth s’intéresse à l’homme plutôt qu’à ses idéaux et nous campe un Figaro très proche de nous et de nos préoccupations. Son Figaro n’est plus le symbole de la révolution à propos de laquelle les français sont très lyriques, mais cela ne l’empêche pas d’avoir une réflexion sur des sujets que Horváth connaît bien, la révolution soviétique et le régime nazi.

SORTIR : Horváth fait de Figaro, un émigré, un exilé, cela résonne étrangement dans le monde d’aujourd’hui ?

Christophe Rauck : Oui, mais ce n’est pas ce qui m’a donné envie de monter cette pièce. J’ai plutôt choisi de travailler sur l’émancipation de l’individu à travers le couple Figaro/Suzanne et sur la place de l’enfant qui est au cœur de la pièce.

SORTIR : Vous avez dans ce spectacle fait une place à la vidéo, pourquoi ?

Christophe Rauck : Ce n’est pas pour faire actuel mais parce que la caméra est devenu un outil théâtral. En travaillant sur différents plans elle me permets de mieux raconter l’histoire.

SORTIR : En termes de musique, qui dit Figaro, dit Mozart, mais vous avez choisi une autre voie ?

Christophe Rauck : Au début, je voulais travailler sur Les Noces de Figaro mais l’italien racontait autre chose… et moi j’entendais du piano, des lieder, la langue allemande. C’est donc Hugo Wolf, à la jonction du romantisme et du dodécaphonisme de Schönberg, qui m’a semblé le mieux correspondre à l’esprit de la pièce.