Sortir : C'est pas souvent qu'on vous voit venir à la rencontre des journalistes.
Guizmo :
Disons que ça a été évolutif : au début, c'est vrai qu'on avait assez peur de ce monde inconnu, peur de devenir le tube de l'été et de repartir comme on était arrivé... Et puis on tenait à cette image de groupe underground, du coup pas franchement envie de se faire agripper trop rapidement. Avec le temps, l'expérience, les radios, ça s'est un peu décanté : franchement aujourd'hui, j'pense qu'on est assez accessible. Le truc, c'est qu'on choisit, on aime la rencontre sympa plutôt que quelque chose de réglé... savoir où on va, à qui on s'adresse, ne pas se perdre quoi, c'est peut-être aussi ça qui fait que ça dure depuis 17 ans.

Sortir : Pour en venir directement à l'album, on y trouve de nombreux hommages...
Daniel :
Ladilafé principalement (titre et deuxième chanson de l'album), dédiée à Patricia Bonneteau, la première personne rencontrée au tout début en 1998 : elle nous a protégés, nous a toujours portés un regard bienveillant, et après un long combat contre la maladie, elle nous a quittés cette année... mais elle a eu le temps de découvrir la chanson et de la valider ! C'est notre façon à nous de l'emmener avec nous sur scène.

Sortir : Ça reste malgré tout une belle chanson, optimiste.
Guizmo :
Patricia, elle nous a donné une vraie leçon de vie : se battre contre la maladie jusqu'au bout dans l'optimisme, l'amour de ses artistes... elle mérite un hommage plein de lumière et de joie. Et au-delà de Patricia, c'est l'optimisme de l'amitié, l'amour de la vie.

Sortir : C'est toujours un ton joyeux qui ressort de vos chansons, sujet grave ou pas...
Guizmo :
J'ai toujours été un grand fan des Desproges, Higelin, ces chansons à textes qui disent les choses avec le sourire. Notre truc à nous, c'est un peu la réflexion dans la teuf, et surtout faire des titres liés à la scène... parce que justement on a envie de faire la fête ! Mais au-delà du disque, Tryo au quotidien, c'est 80% de déconnade : cette manière de dédramatiser, surtout en ce moment, d'aller vers l'optimisme, ça fait parti de nous.

Sortir : Idem quand vous tapez sur les politiques ou évoquez le Printemps arabe (l'un des titres de l'album).
Guizmo :
Les révolutions arabes, c'est cette petite période de joie collective où les peuples se lèvent, cette vague de liberté où les dictateurs tombent les uns après les autres... on avait envie de dire qu'on les regarde. Mais cette chanson, elle s'adresse aussi à nous, républicains, histoire de bien saisir la chance que l'on a de vivre en démocratie. Surtout à la sortie de 5 ans de Sarko, avec plein de choses néfastes... Cette chanson, j'ai l'impression que c'est la chanson d'un moment.
Daniel : Pour moi, c'est une chanson qui me parle d'autant plus : je suis chilien et j'ai quitté le pays au moment où tombait la dictature Pinochet. Ce moment où le peuple s'est levé... ça a vraiment été un moment de magie absolue.

Sortir : Vous n'allez pas vous faire que des amis avec cet album, notamment dans le milieu reggae jamaïcain...
Daniel :
Mais on n'en voulait pas (sourire) !
Guizmo : Nous on est de l'école du reggae, ça nous permet de connaître son histoire. Parce que derrière Jah et le message Peace and love, il faut savoir qu'il y a aussi des appels au meurtre et à brûler les homosexuels. Brian Williamson (le titre de la chanson concernée), il a été assassiné à coups de machette sous les hourras du peuple... la Jamaïque est un des pays les plus homophobes au monde.

Sortir : Plus léger, vous pouvez nous reparler de Mamagubida (leur premier album) ?
Guizmo :
Mamagubida, c'est un truc de fou : enregistré dans un café, mixé dans l'appart' d'un pote en banlieue... et sûrement le record d'auto-distribution en sac à dos (15 à 18 000 CD écoulés en fait) ! Au-delà de ça, c'est un album qui plaît toujours : les gens qui le découvrent aujourd'hui continuent à s'y accrocher. Et puis bien sûr sans le premier album, il ne se serait rien passé.

Sortir : Et alors vous préparez quoi sur scène pour la tournée ?
Daniel :
On va dire que ce sera entre ciel et terre (mystérieux)... On aura également deux musiciens avec nous : DJ Shalom, devenu DJ Catman (ça ne s'invente pas), un multi-instrumentiste, et un jeune virtuose du violon rencontré dans un bar à Paris, Benjamin. Ça va nous permettre de toucher à pas mal de choses niveau musical. Et bien sûr y'aura de la déco, histoire, qui plus est dans de grandes salles, de créer de l'intimité avec le public.